
Dès l’entrée, l’artiste nous signale son goût pour l’accident dans
le ville. La cité et ses matériaux sont son œuvre. Des petits miroirs de poche,
soulignés d’un mince cadre de plastique coloré reflètent les travaux en cours
dans la rue Quincampoix. Les barrières vertes et grises protégeant les passants
des crevasses isolent également un long tuyau de plastique jaune faisant écho à
Need Must et son sceau rouge, que
l’on devine derrière la vitrine de la galerie. Au moment même où le visiteur
s’apprête à en franchir le seuil, le ton est donné : tout est sculpture,
et travail inattendu de la matière.
La première salle présente quelques photographies autour
de l’abandon. Ici une grille en fer forgé aux motifs floraux stylisés est
écrasée par un mur de tags, là-bas un tapis persan gît à-même le gravier au
pied d’un bâtiment austère dont les tôles rouillées sont tout aussi abandonnées
que lui. Homing, sorte de coffre à
bagage entre habitat de fortune pour S.D.F. et sarcophage de plâtre, fait
pendant aux objets de récupération et d’autres encore sous scellés (couteaux de
cuisine, lampe de poche…) attachés à la colonne au centre de la pièce (le
fameux Needs Must).
L’espace de transition avec la seconde salle du
rez-de-chaussée est curieux : les C-prints ne sont plus à hauteur d’homme
(disons à hauteur normée), mais presque à même le sol, il faut se pencher pour
les apercevoir puis s’accroupir pour les regarder. Il en est de même avec
l’escalier qui mène à l’étage supérieur de la galerie, décoré sur les côtés de
petits morceaux carrés de toiles cirés aux motifs kitschissimes. L’artiste joue
avec l’inattendu, et oblige le visiteur à rester à l’affût, car tout peut lui
échapper s’il n’est pas assez attentif : afin de surprendre Love, deux barres métalliques reliées à
une chaîne, suspendues tout en haut dans l’angle de la pièce suivante, celui-ci
doit lever les yeux.


L’étage est une surprise : une salle de jeu pour enfants, incontestablement. Réinventée, et impossible à la fois. Des bassines colorées sont rassemblées sur la gauche (Childhood), des petites chaises sont reliées par une chaîne, alors qu’une troisième est recouverte d’une énorme corde enroulée et posée sur l’assise.
On retrouve le Needs
Must d’en bas et ses objets accrochés à leur pilier, mais cette fois dans
l’ordre inverse, de façon quasi-symétrique à leurs compagnons de l’étage inférieur.
D’autres photographies accompagnent cette mise en scène, sur le même thème de
l’abandon urbain. Quelqu’un a tenté de protéger une des vitres brisées de sa
porte d’entrée par un carton afin d’éviter tout vandalisme inopportun en
attendant une éventuelle réparation. Mais même une porte ne peut échapper à son
destin : le carré de carton a été à son tour éventré. Richard Wentworth ne
cache pas son ironie, les objets ont leur humour, et il s’agit de traquer
celui-ci parmi les chantiers de construction et les quartiers abandonnés, là où
l’humain est en transit (du moins le croit-il !).
Richard Wentworth joue avec brio de toutes ces ambiguïtés,
à tel point que l’on sort de chez Nelson-Freeman en se demandant si,
finalement, les travaux de la rue ne sont pas l’œuvre de l’artiste : paranoïa
urbaine !
Photos : © Galerie Nelson-Freeman
Exposition Richard Wentworth
Du 17 septembre au 10 novembre 2011
Galerie Nelson-Freeman
59 rue Quincampoix (Métro Rambuteau)
75004 Paris
75004 Paris
Du mardi au samedi :
11h00 - 13h00 / 14h00 - 19h00
11h00 - 13h00 / 14h00 - 19h00
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