mardi 27 septembre 2011

Première exposition personnelle de Richard Wentworth à la galerie Nelson-Freeman


Rien de mieux pour inaugurer l’automne que de visiter les galeries du Marais, et flâner entre les hôtels particuliers flanqués d’immeubles haussmaniens : il y a bien longtemps que le baron a cru légitimer son emprise sur la ville de Paris ! Commencer sa promenade par la galerie Nelson-Freeman avec l’exposition Richard Wentworth est une manière amusante de faire un pied-de-nez à l’environnement dix-neuviémiste qui l’entoure. 

Dès l’entrée, l’artiste nous signale son goût pour l’accident dans le ville. La cité et ses matériaux sont son œuvre. Des petits miroirs de poche, soulignés d’un mince cadre de plastique coloré reflètent les travaux en cours dans la rue Quincampoix. Les barrières vertes et grises protégeant les passants des crevasses isolent également un long tuyau de plastique jaune faisant écho à Need Must et son sceau rouge, que l’on devine derrière la vitrine de la galerie. Au moment même où le visiteur s’apprête à en franchir le seuil, le ton est donné : tout est sculpture, et travail inattendu de la matière. 

La première salle présente quelques photographies autour de l’abandon. Ici une grille en fer forgé aux motifs floraux stylisés est écrasée par un mur de tags, là-bas un tapis persan gît à-même le gravier au pied d’un bâtiment austère dont les tôles rouillées sont tout aussi abandonnées que lui. Homing, sorte de coffre à bagage entre habitat de fortune pour S.D.F. et sarcophage de plâtre, fait pendant aux objets de récupération et d’autres encore sous scellés (couteaux de cuisine, lampe de poche…) attachés à la colonne au centre de la pièce (le fameux Needs Must).

L’espace de transition avec la seconde salle du rez-de-chaussée est curieux : les C-prints ne sont plus à hauteur d’homme (disons à hauteur normée), mais presque à même le sol, il faut se pencher pour les apercevoir puis s’accroupir pour les regarder. Il en est de même avec l’escalier qui mène à l’étage supérieur de la galerie, décoré sur les côtés de petits morceaux carrés de toiles cirés aux motifs kitschissimes. L’artiste joue avec l’inattendu, et oblige le visiteur à rester à l’affût, car tout peut lui échapper s’il n’est pas assez attentif : afin de surprendre Love, deux barres métalliques reliées à une chaîne, suspendues tout en haut dans l’angle de la pièce suivante, celui-ci doit lever les yeux.
Les petits tirages sous diasec nous offrent des visions poétiques de la ville : panneau indicateur devient fleur, marquage au sol nuage, et bâtonnet de glace décapité posé dans la jointure d’un mur, ruisseau. La beauté de l’inattendu se substitue à la niaiserie, car tous ces éléments formels et objets privés de leur fonction d’origine sont comme nous, citadins, accrochés à une géographie dont nous sommes prisonniers. Nos geste pour nous en échapper deviennent créations involontaires. 




L’étage est une surprise : une salle de jeu pour enfants, incontestablement. Réinventée, et impossible à la fois. Des bassines colorées sont rassemblées sur la gauche (Childhood), des petites chaises sont reliées par une chaîne, alors qu’une troisième est recouverte d’une énorme corde enroulée et posée sur l’assise.
On retrouve le Needs Must d’en bas et ses objets accrochés à leur pilier, mais cette fois dans l’ordre inverse, de façon quasi-symétrique à leurs compagnons de l’étage inférieur. D’autres photographies accompagnent cette mise en scène, sur le même thème de l’abandon urbain. Quelqu’un a tenté de protéger une des vitres brisées de sa porte d’entrée par un carton afin d’éviter tout vandalisme inopportun en attendant une éventuelle réparation. Mais même une porte ne peut échapper à son destin : le carré de carton a été à son tour éventré. Richard Wentworth ne cache pas son ironie, les objets ont leur humour, et il s’agit de traquer celui-ci parmi les chantiers de construction et les quartiers abandonnés, là où l’humain est en transit (du moins le croit-il !).

Richard Wentworth joue avec brio de toutes ces ambiguïtés, à tel point que l’on sort de chez Nelson-Freeman en se demandant si, finalement, les travaux de la rue ne sont pas l’œuvre de l’artiste : paranoïa urbaine !

 Photos : © Galerie Nelson-Freeman


Exposition Richard Wentworth
Du 17 septembre au 10 novembre 2011
Galerie Nelson-Freeman
59 rue Quincampoix (Métro Rambuteau)
75004 Paris
Du mardi au samedi :
11h00 - 13h00 / 14h00 - 19h00

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