jeudi 3 novembre 2011

La Galerie Kamel Mennour transformée en darkroom angoissé : la magie Claude Lévêque


Oratorio (Basse Tension)
© ADAGP Claude Lévêque
Photo. Côme Duwa
Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

L’exposition s’ouvre sur une caverne sombre emplie de chauves-souris, caressées par un courant d’air frais leur faisant pousser des cris métalliques. La forêt d’ailes noires déchirées, rattachées à des corps morts et invisibles réduits à une froide et fine colonne vertébrale, devient au fur et à mesure qu’on s’en approche un amas trivial de parapluies dépliés suspendus à l’envers, frôlant nos têtes. Claude Lévêque, pour sa deuxième exposition personnelle à la Galerie Kamel Mennour  pose ainsi, dès l’entrée, les différents axes des installations créées à cette occasion : illusion, perte, abandon. L'accent est implicitement mis sur la visite chronologique des différentes pièces.

Wagon, 2011
© ADAGP Claude Lévêque
Photo. Fabrice Seixas
Courtesy the artist and kamel mennour, Paris


La salle suivante est elle aussi plongée dans l'obscurité, mais se trouve faiblement éclairée par des projecteurs ultraviolets, animant une atmosphère bleutée, quasi phosphorescente. Une épaisse plateforme, sur laquelle reposent deux draps blancs, froissés – comme si deux amants y étaient quelques instants auparavant encore glissés – est fixée au plafond par de grandes chaînes. Au dessus du tissu plissé, des tubes fluorescents, comme en lévitation, semblent protéger le lit vide de toute intrusion. L’installation est ambiguë, entre sling et couche nuptial, backroom et chambre d’hôtel design, l’ambiance devient de fait trouble et surnaturelle, et se poursuit avec Oratorio (Basse Tension), qui célèbre et déplore dans le même élan une danseuse étoile dissoute, dont le tutu abandonné au centre d’un enclos à bovins accompagne silencieusement un Lac des Cygnes dissonant, agonisant sous les rires d’un public moqueur. La lumière est encore une fois parfaitement maîtrisée, et devient un élément de mise en scène : jaune et tamisée autour de l’enclos, un projecteur d’un blanc pur sur la robe, soulignant l’incongruité de sa présence parmi les barreaux gris et contrastant avec la lumière d’abattoir du reste de la pièce. L’espace scénique devient un enclos de mise à mort.

Lose Myself, 2011
© ADAGP Claude Lévêque.
Photo. Fabrice Seixas
Courtesy the artist and kamel mennour, Paris
La dernière pièce, au sous-sol, est à l’opposé des précédentes, silencieuse, et claire, d’un blanc presque iridescent souligné par l’œuvre en néon « Lose myself », accrochée au centre du mur de fond. Elle constitue le parfait contrepoint à la densité du reste de l’exposition. Après les salles d’humiliation, de peur et de perdition situées à l’étage, on entre enfin ici au coeur de notre propre conscience, on pénètre du moins l’hémisphère d’un cerveau qui pourrait être le nôtre. On réalise alors une nouvelle fois que nos actes viennent combler notre vide intérieur, et mettent en application une pensée somme toute isolée, éblouissante mais située au cœur d’une impasse. L’homme se perd et use toute son énergie à sa destruction, avant de s’éteindre doucement, à basse tension.

Claude Lévêque, Basse Tension
Du 14 octobre au 26 novembre 2011
Galerie Kamel Mennour
47, rue Saint-André des arts (Métro Odéon ou Saint-Michel)
75006 Paris

Ouvert du mardi au samedi de 11h à 19h

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